Déprescription et transfert d'informations dans le parcours de soins des aînés avec Katherine Desforges | Partie 1
Publié le 12 juin 2023 par l'A.P.E.S.
Spécialisation
Publié le 12 juin 2023 par l'A.P.E.S.
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Nous sommes ici avec Katherine Desforges, actuellement à Melbourne, en Australie, où elle réalise une résidence spécialisée sur le sujet de la déprescription à la Faculté de pharmacie et des sciences pharmaceutiques de l'Université Monash. Dans le cadre de cet entretien, Katherine nous offre un aperçu plus détaillé de sa résidence et répondra à nos questions. Soyez prêts à plonger dans le premier volet d'une série de trois actualités qui vous seront dévoilées chaque mois de l'été 2023, en compagnie de Katherine.
A.P.E.S. : « Bonjour Katherine, nous vous remercions d'avoir pris le temps de parler avec nous aujourd'hui. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter et nous donner un bref aperçu de votre parcours ? »
Katherine Desforges (K. D.) : « Bonjour ! Je suis actuellement pharmacienne clinicienne en gériatrie au Centre universitaire de santé McGill. J’y travaille depuis janvier 2022. Au même moment, je suis entrée en poste comme professeure adjointe de clinique en gériatrie à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Après avoir obtenu mon baccalauréat en pharmacie en 2009 et ma maîtrise en pratique pharmaceutique, option établissement de santé, en 2010 de l’Université de Montréal, j’ai pratiqué successivement à l’Hôpital Jean-Talon, puis à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont du CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal où j’ai travaillé en gériatrie et en dialyse avant d’obtenir mon poste actuel. En 2019, j’ai obtenu la certification du Board of Pharmacy Specialties en pharmacothérapie gériatrique. Je suis également membre depuis 2015 et secrétaire depuis 2021 du Regroupement de pharmaciens experts en gériatrie de l’A.P.E.S. J’ai publié quelques articles et donné des conférences tant dans le domaine de la néphrologie que dans celui de la gériatrie dans les dernières années. »
A.P.E.S. : « Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à vous concentrer spécifiquement sur la déprescription dans votre projet ? »
K.D : « Je ne crois pas avoir besoin de vous convaincre de la prévalence de la polypharmacie chez nos patients, en particulier les patients âgés. Pourquoi s’intéresser spécifiquement à la déprescription ? Tout d’abord un petit rappel de la définition, en fait des deux définitions qui sont à mon avis complémentaires. Tout d’abord, il y a celle proposée en 2015 par Dre Reeve et ses collaborateurs : processus de retrait d’une médication inappropriée qui est supervisé par un professionnel de la santé dans le but de gérer la polypharmacie et d’améliorer les résultats de santé (Reeve E, Gnjidic D, Long J, Hilmer S. A systematic review of the emerging definition of ‘deprescribing’ with network analysis: implications for future research and clinical practice. Br J Clin Pharmacol 2015;80:1254-68). Toujours en 2015, Ian Scott et ses collègues , y compris Dre Reeve, ont publié cette définition : processus systématique permettant de déterminer et de retirer les médicaments qui causent des préjudices existants ou potentiels dépassant les avantages existants ou potentiels dans un contexte où les objectifs de soins du patient, le degré d’autonomie fonctionnelle, son espérance de vie, ses valeurs et préférences sont pris en compte (Scott IA, Hilmer SN, Reeve E, Potter K, Le Couteur D, Rigby D et coll. Reducing inappropriate polypharmacy: the process of deprescribing. JAMA Intern Med 2015;175:827-34).
A.P.E.S. : « Nous comprenons mieux l’utilité de la déprescription pour gérer la polypharmacie et améliorer les résultats de santé. Très intéressant! Maintenant, pouvez-vous nous expliquer quels sont les effets de la déprescription chez les patients ? »
K.D. : « La déprescription est un terme très à la mode actuellement, comme en fait foi le nombre de résultats sur PubMed. De 118 résultats en septembre 2016, on en obtient aujourd’hui presque 3000 avec les termes « deprescription » et « deprescribing », et un peu plus de 1800 lorsqu’on ajoute le terme « elderly » à la recherche. L’impact de la déprescription chez les patients a été étudié sous divers angles et se manifeste à différents niveaux, notamment par la diminution du nombre de médicaments potentiellement inappropriés, des chutes et des visites à l’urgence. Il reste toutefois des connaissances à acquérir quant à son importance sur, entre autres, la qualité de vie, les hospitalisations et la mortalité associées. Tous les patients peuvent être concernés par des initiatives de déprescription, mais la principale limite identifiée par les chercheurs pour qu’elle soit menée à bien est le manque de temps. Plusieurs initiatives de recherche sont en cours, comme le développement de plateformes interactives et connectées pour aider les différents professionnels à intégrer la déprescription dans leur pratique quotidienne et l’évaluation coûts-efficacité d’interventions spécifiques. »
A.P.E.S. : « C'est en effet important de poursuivre les recherches sur la déprescription afin de mieux comprendre son impact sur la qualité de vie, les hospitalisations et la mortalité associées. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste précisément votre projet? »
K. D. : « Compte tenu de mon expérience en milieu hospitalier, j’ai décidé d’axer mon projet sur le transfert d’informations concernant la déprescription entamée en milieu hospitalier vers le milieu communautaire dans le contexte du congé. Les buts de mon projet sont d’explorer les éléments clés et les stratégies de communication dans le parcours de soins, et plus précisément lors de la transition de soins entre ces deux milieux, ainsi que le niveau de confort des pharmaciens australiens par rapport à leur implication dans le processus de déprescription. Il faut savoir qu’au contraire de nous, les pharmaciens australiens ont peu d’actes qu’ils peuvent effectuer de façon indépendante, mais cela fait actuellement l’objet de discussions intensives entre les différentes parties prenantes. Dans le cadre de mon projet, je compte interviewer entre 20 et 40 pharmaciens des différents milieux, puis j’aurai à analyser le contenu des interviews pour en extraire les thèmes récurrents. Mon intention est de refaire le même exercice au Québec dans les prochains mois lorsque mon projet australien sera en voie d'achèvement afin d’informer les différents intervenants sur le processus actuel et d’élaborer des stratégies pour optimiser celui-ci en collaboration avec toutes les parties impliquées. J’ai d’ailleurs pris contact avec l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Je veux également contribuer au développement et à la diffusion d’outils et de formations pour que les pharmaciens québécois de tous les milieux soient mieux outillés pour optimiser la pharmacothérapie des patients âgés ».
A.P.E.S. : « Votre choix de vous concentrer sur le transfert d'informations, liées à un processus de déprescription, entre le milieu hospitalier et le milieu communautaire à la suite d’un congé de l’hôpital nous semble pertinent et primordial. Par ailleurs, compte tenu de l'engagement important que requiert votre projet, parvenez-vous à trouver du temps pour vous-même ? »
K. D. : « Oui, je profite de mes temps libres pour visiter le pays. J’ai entre autres visité des zoos où j’ai pu voir des koalas et des kangourous. J’ai même pu nourrir une femelle kangourou ! J’ai fait un tour de Melbourne à pied pour découvrir ses ruelles et ses graffitis, admiré les Twelve Apostles, découvert des musées, marché à travers le Royal Botanic Gardens Victoria, et j’ai pris quelques jours de congé pour aller à Sydney, ville que j’ai toujours voulu visiter et où j’ai pu rencontrer d’autres chercheuses reconnues dans le milieu de la déprescription. »
A.P.E.S. : « Katherine, nous vous remercions sincèrement pour le temps que vous nous avez accordé et pour vos réponses enrichissantes. Cet entretien a été très intéressant et nous vous retrouverons avec impatience pour la deuxième partie en juillet prochain. Votre expertise est précieuse et nous sommes ravis de continuer à suivre votre travail. »
K. D. : « Merci pour votre intérêt à lire cette petite chronique de ma grande aventure, et à bientôt ! »
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