Spécialisation en pharmacie

PL 67 sur l’élargissement des pratiques: l’A.P.E.S. au front sur la spécialisation

Publié le 9 octobre 2024 par Julie Racicot, présidente, et Linda Vaillant, directrice générale

Mot de la présidente et de la directrice générale

PL 67

Le dossier de la spécialisation en pharmacothérapie avancée est un dossier prioritaire de l’A.P.E.S. depuis de nombreuses années. Or, le contexte politique et législatif vient de le ramener à l’avant-scène. Le projet de loi 67 (PL 67) qui vise à modifier le code des professions et à élargir les pratiques professionnelles en santé a été déposé en juin 2024 et l’A.P.E.S. a redoublé d’efforts pour se faire entendre. De nombreuses représentations ont été menées pour sensibiliser les parties prenantes, notamment les acteurs des secteurs de la pharmacie et de la médecine, au caractère impératif de l’instauration d’un statut de spécialiste associé à un droit de prescription autonome pour les pharmaciens détenteurs de la maîtrise en pharmacothérapie avancée (MPA). Un appui historique à cette demande a été obtenu, comme en témoignent les nombreux signataires de l’annexe 6  du mémoire de l’A.P.E.S.

Soulignons également que l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a fait de la spécialisation sa première recommandation dans son mémoire et en commission parlementaire. Le Collège des médecins du Québec (CMQ) a aussi appuyé la spécialisation lors de son passage en commission.

Réticence de la ministre responsable du PL 67

Le 19 septembre dernier, l’A.P.E.S. a transmis un mémoire étoffé sur la question à la Commission des institutions chargée de l’étude du projet de loi. En commission parlementaire, nous nous sommes efforcées de livrer le message le plus clair et le plus éloquent possible. La ministre Sonia LeBel a néanmoins reçu notre recommandation sur l’instauration du pharmacien spécialiste avec froideur et réticence.

Tous les astres semblent pourtant alignés : le PL 67 est l’occasion d’aller de l’avant avec l’instauration d’un statut de spécialiste et la prescription autonome qu’appuient les représentants des médecins et des pharmaciens. Les arguments en faveur de l’instauration du statut de spécialiste abondent. La ministre dit vouloir éviter d’ajouter des carcans, or établir la spécialisation et ce qui vient avec représente une ouverture qui simplifierait et accélèrerait la réalisation des interventions des pharmaciens sur la médication des patients comme nous l’expliquerons plus loin. À quoi ce doute et cette résistance exprimés par la ministre tiennent-ils?

Pourquoi instaurer la spécialisation

Soyons clair, l’A.P.E.S. est en accord avec le PL 67, mais souligne qu’il manque un morceau important. Pour que l’expertise des pharmaciens détenteurs de la MPA soit pleinement déployée au service de la santé des patients de l'accès aux soins de santé, la spécialisation doit être incluse au projet de loi. L’A.P.E.S. demeure convaincue que ce statut associé à la prescription autonome doit être prévu à la Loi sur la pharmacie, comme c’est le cas pour les infirmières praticiennes spécialisées dans la Loi sur les infirmières et les infirmiers, afin d’assurer sa concrétisation à court terme. La création d’une spécialité en pharmacie permettrait de définir les paramètres de la pratique spécialisée ainsi que les rôles et les responsabilités spécifiques, puis d’en assurer le déploiement uniforme et la qualité.

Exemples à l’appui, nous avons exprimé en quoi cette avancée favoriserait la mise en place de corridors de consultation par lesquels les pharmaciens en première ligne pourraient recourir à l’expertise d’un pharmacien spécialiste pour obtenir du soutien dans la prise en charge de patients à la pharmacothérapie complexe. La spécialisation en pharmacothérapie avancée permettrait à la population et aux professionnels de la santé d’identifier un pharmacien qui possède les connaissances et les compétences pour traiter une population ayant des besoins complexes.

Du côté des médecins, nous avons mis en lumière que des pharmaciens spécialistes seraient à même de rédiger les ordonnances à l’admission et au congé et de veiller aux suivis relatifs à la médication auprès des soignants de première ligne. Ainsi, les omnipraticiens en hôpital pourraient être dégagés de certaines tâches liées à la gestion de la pharmacothérapie de leurs patients et se consacrer davantage à la prise en charge de patients en cabinet et en GMF. En outre, ce changement faciliterait la transition des patients de l’hôpital vers la pharmacie de quartier et vers le GMF. Par ailleurs, les pharmaciens spécialistes pourraient soutenir les médecins spécialistes par la prise en charge de certains patients. Le déploiement d’approches novatrices serait aussi favorisé. En effet, à l’heure actuelle, de telles approches sont mises en place dans le cadre d’ententes de pratique avancée en partenariat (EPAP). Toutefois, conclure et mettre à jour ces ententes est un processus lourd qui freine l’accès aux soins.

Globalement, instaurer ce statut de spécialiste avec droit de prescription autonome permettrait des gains de temps aussi pour les pharmaciens d’établissement qui pourraient agir plus directement en matière de pharmacothérapie, en limitant les allers-retours auprès des prescripteurs et sans devoir consacrer du temps aux EPAP. Des patients partout au Québec bénéficieraient de ce décloisonnement. Comment le gouvernement peut-il faire la sourde oreille à cette avenue quasi consensuelle? D’autant que cette reconnaissance aurait un effet positif immédiat sur l’attraction de la relève dont nous avons tant besoin en établissement de santé.

Prochaine étape: l’étude détaillée du PL 67

Rappelons que plusieurs autres actions ont été déployées autour du passage de l’A.P.E.S. en commission parlementaire, dont la publication d’une lettre ouverte sous notre signature dans six quotidiens régionaux le jour même. Nous avons mis en ligne une vidéo résumant l’esprit de notre audition devant la commission. Un communiqué de presse a été largement diffusé et une entrevue accordée. Le tout a été diffusé sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui même, un article est paru dans Le Devoir à la suite d’une entrevue avec votre présidente.

Cette semaine a lieu l’étude détaillée du PL 67 par la Commission des institutions. Cette étape est l’occasion pour les membres de cette commission de débattre des amendements nécessaires au projet de loi et de procéder à l’adoption article par article. Nous suivrons de très près ces travaux et poursuivrons nos représentations jusqu’à l’adoption de la Loi.